Quand je grimpe aux arbres, je suis comme une vigie voulant embrasser le monde pour y respirer l’air du grand large. Plus j’escaladais ce géant de la forêt et plus les embruns de terre me quittaient. Mais arrivé au sommet du houppier, la place était déjà prise par ce magnifique sphinx tête de mort. L’approchant de plus près, je m’aperçu qu’il était déjà passé à trépas, fixé au sommet de sa vigie comme s’il avait été épinglé par un entomologiste.
Je le gardais précieusement jusqu’au moment où j’appris que ce fut le même jour de ma découverte, que le nuage radioactif provenant de Tchernobyl avait survolé cette région.
Une vraie vigie, oui car le sphinx tête de mort utilise sa trompe comme sifflet pour prévenir un danger. Un baiser de mort avait soufflé ce jour là sur la forêt.
Je lui offris cet écrin pour le remercier de m’avoir prévenu et m’excuser de ne pas l’avoir écouté. Depuis ce jour, je vis sur la fréquence insecte et apprend la langue de ceux qui n’en n’ont pas.

Extrait du carnet : Les ailes du silence